50 000 ans d’occupation humaine

Difficile d’aborder Solutré et le Grand Site, sans parler de son histoire humaine, qui remonte à près de 50 000 ans.

Préhistoire

frise chronologique

frise chronologique – Cliquez pour agrandir

La découverte du site

Adrien Arcelin

Adrien Arcelin

L’intérêt de l’homme pour ce site remonte au paléolithique. Sa hauteur, protégeant des crues de la Saône, la multitude de ses abris au creux des falaises, sa richesse en silex, et l’abondance des passages d’animaux grégaires (chevaux, rennes, bisons…) en ont fait un lieu stratégique et majeur pour ces populations nomades. Fréquenté depuis 50 000 ans, Solutré est avant tout connu pour être un site de chasse préhistoriquel, en reste pour preuve l’immense charnier au pied de la falaise : « le Cros du charnier» (Cros = creux), un amassement d’os de plus d’un hectare avec par endroits une épaisseur d’un mètre. Ce site unique en Europe recèle des restes de faunes, de l’art mobilier et des outils taillés comme les feuilles de laurier, caractéristiques d’une civilisation spécifique du paléolithique supérieur : le Solutréen. Ce gisement exceptionnel d’ossements de chevaux (1 hectare, 1,50 m d’épaisseur par endroits) donna d’ailleurs naissance au mythe (aujourd’hui démenti) des chevaux précipités dans le vide depuis le sommet de la Roche.

Les habitants du village de Solutré connaissaient depuis longtemps la présence de nombreux ossements qu’ils venaient ramasser au lieu dit du Cros du charnier pour les utiliser comme amendement des vignobles (phosphates), quand Adrien Arcelin, archéologue érudit du mâconnais s’intéressa de plus près à ce curieux gisement, au milieu du 19ème siècle. Il entreprit les premières fouilles, assisté du géologue Henri Testot-Ferry, de 1866 à 1869. Les deux hommes arrivèrent à la conclusion de l’existence d’une station de chasse au pied de la Roche de Solutré. En 1869, Solutré devient site éponyme, en donnant son nom à une culture de la Préhistoire mise en évidence en son sein, le solutréen (de -21 000 à -17 000 ans), marqué par l’apogée des techniques de taille du silex (feuille de laurier, feuille de saule) et par l’apparition du propulseur et de l’aiguille à chas. D’autres périodes de fouilles auront lieu, notamment de 1874 à 1877 par Adrien Arcelin en compagnie de l’Abbé Ducrost (curé de Solutré), de 1922 à 1925 sous l’égide de la Faculté des sciences de Lyon et plus récemment de 1968 à 1978 par Jean Combier, pour permettre d’approfondir la connaissance de l’ensemble du gisement et notamment sa stratigraphie (chronologie du gisement).

La vie à la Préhistoire

La présence d’un site de chasse à proximité de la Roche de Solutré s’explique par la présence de troupeaux sauvages de chevaux, de rennes et de bisons qui hivernaient dans la vallée de la Saône sous les rudes climats de la glaciation du würm. Chaque année, à la fonte des neiges, les animaux quittaient la plaine devenant marécageuse pour des pâturages plus hauts en passant par la vallée située entre le Mont de Pouilly et la Roche de Solutré. Ralentis dans leur progression par les éboulis et les blocs de pierres situés au pied de la Roche, les animaux devenaient des proies faciles pour les chasseurs embusqués.

Feuille de laurier

Feuille de laurier

Ces populations nomades établissaient leurs campements temporairement sur les lieux où ils prenaient l’habitude de venir chasser au printemps et à l’automne. Ils taillaient le silex, façonnaient des armes et des outils dans les os et les bois de leurs proies, les dépeçaient et boucanaient la viande sur place, sur de grands foyers. Les parties ne pouvant pas servir à l’homme étaient abandonnées sur place et ont formé, par l’accumulation au fil des siècles sur une grande épaisseur, un « magma » cimenté par l’argile. La fin de la glaciation du würm et l’installation d’un climat tempéré a entraîné la raréfaction des grands troupeaux sur les sites de chasse, et de ce fait la fin de cette grande époque de chasse.

On trouve également plusieurs sites importants fréquentés par l’homme de Neandertal sur le flanc sud de la Roche de Vergisson où plusieurs installations temporaires aménagées dans de petites cavités ou de simples fissures correspondant à des grottes effondrées ont été repérées. Les hommes du Moustérien (-55 000 ans), les premiers à avoir occupé le Grand Site, venaient ici pour chasser le rhinocéros laineux, le cheval, le renne et le bison.  L’intérêt des sites de Vergisson se trouve renforcé par la découverte exceptionnelle de restes humains néandertaliens, les seuls connus à ce jour en Saône-et-Loire.

Antiquité

Voie romaine

Voie romaine

La naissance des villages actuels

Depuis les temps préhistoriques, l’homme aura occupé en continu le site, jusqu’à nos jours.

ll faut attendre un siècle avant JC pour voir l’influence gallo-romaine marquer le Grand Site. Cette période a influé sur le paysage, et les choix d’aménagement qui structurent encore le territoire de nos jours : les forêts de fonds de vallées cèdent la place aux prairies en terrains humides, les coteaux calcaires sont plantés en vigne, quelques parcelles labourables sont conservées, et l’on voit apparaître des « Saltus » (forêts et prairies pâturées sur les sommets et les crêtes).

Cette organisation du paysage a permis une économie autarcique, la complémentarité des activités agricoles conciliant élevage, culture de la vigne et des céréales, production de bois d’œuvre et de chauffage. Le site a été occupé en continu depuis cette époque Gallo-romaine.

Des villas se sont construites aux endroits stratégiques, comme la «Villa Solustriaca» à l’emplacement du village actuel de Solutré

Des axes de communication se développent également. On pourra retenir, comme élément fort du paysage actuel la voie dite « romaine », axe méridien entre Vergisson et Solutré. Aucun élément ne peut permettre aujourd’hui d’affirmer qu’il s’agissait effectivement d’une voie romaine construite puisqu’à l’image des Roches, il s’agit d’un phénomène géologique dû au soulèvement de la chaîne Alpine. La forme rectiligne de ce chemin naturel et son positionnement géographique aurait pu faciliter le passage des occupants des villages et des voyageurs.

Moyen-Age

Une place forte encore mystérieuse

Marches du château

Marches du château

Au Moyen Âge, la Roche représentait une position stratégique non négligeable et un château, dont il n’existe plus que quelques vestiges, en occupait le bord de l’escarpement occidental.

D’après l’abbé Rameau, la forteresse serait l’œuvre du roi Raoul (923-936) qui, en la bâtissant, aurait songé à protéger ses frontières du côté beaujolais. En 1330, après la vente du comté de Mâcon par Jean de Braine au roi de France, les chanoines du chapitre de Saint-Vincent qui en avait reçu la garde de Philippe Auguste, firent abandon de leurs droits. L’hostilité entre les Armagnacs et les Bourbons amenèrent leur lot d’émotions à la citadelle qui fût menacée maintes fois de destruction par les Armagnacs. Le château et la forteresse furent rasés en 1435 par ordre du duc Philippe le Bon, dans la crainte que ses ennemis ne vinrent à s’en emparer de nouveau pour menacer le Mâconnais. Tout le pays avait eu beaucoup à souffrir, non seulement des combats qui se livrèrent autour de cette place, mais encore des troupes de la garnison même du château, qui fondaient continuellement sur la campagne et se livraient à un pillage affreux. Aussi l’ordre du Duc fut-il reçu avec une grande joie. Quelques fouilles furent entreprises au milieu du 19ème siècle par un habitant de Solutré et sous le regard d’Adrien Arcelin qui analysa que ce « petit » château n’avait eu plus d’importance par sa position stratégique que par sa puissance.

Il reste aujourd’hui encore quelques fondations de murs visibles sur le passage des visiteurs ou enfouis sous la végétation, et surtout deux fossés de ceinture creusés dans le roc isolant le sommet de la pente douce. L’étude de ces vestiges a permis d’imaginer quelle pouvait être l’implantation des différents corps de bâtiments de la forteresse. Quelques éléments de mobilier et de modification de la topographie, permettent également d’extrapoler sur la présence d’une forge, d’un bassin de recueil des eaux de pluie, d’une carrière de délitement de pierres…

L’influence ecclésiastique

A la suite du Moyen Âge, période troublée et instable qui entraîne une déstructuration du paysage rural et une avancée de la friche, le 10ème siècle voit la fondation de l’Abbaye bénédictine de Cluny et l’avènement du vignoble mâconnais. Les monastères constituent des domaines viticoles, entreprennent des travaux de défrichement et d’empierrement favorisant ainsi le développement de la culture de la vigne au détriment des pâtures et des autres cultures céréalières.

19e et 20e siècles

Fouilles 19e siècle

Fouilles 19e siècle

Installation agricole

L’omniprésence de l’homme, indissociable de l’histoire du Grand Site, en fait une entité profondément vivante, bien loin d’un site sanctuaire et sans âme. Si l’homme a laissé peu de marques dans le paysage préhistorique, son intervention est par la suite plus visible : avec l’agriculture, les traces commencent à apparaître et à construire le site actuel. C’est l’homme qui, au fil de ses besoins, défriche les forêts, procède aux plantations puis à l’abandon de parcelles, laissant le champ libre à la végétation.

Au 19e siècle, pic de population rurale et d’utilisation maximale des terres, l’agriculture organise le paysage le long des versants : bois et landes sur les sommets, vignoble (seulement 25 à 50% des surfaces communales) à flanc de coteau, terres labourables au pied des versants et prairies en fond de vallons dessinent une véritable mosaïque, un paysage rural très riche. Au cours de ce siècle, la vigne, devenant plus rentable que la céréaliculture, prend un caractère dominant. La grande crise du phylloxéra la limitera un temps, avant qu’elle ne reprenne la place qu’elle s’était octroyée.

Dans la première moitié du 20e siècle, l’agriculture reste basée sur la polyculture : l’élevage, en particulier, représente un complément de revenu indispensable, et le pâturage s’effectue sur les pelouses des Roches. La seconde partie de ce siècle engendre les paysages du Grand Site actuel : la région se spécialise définitivement dans la culture de la vigne, et le quasi abandon de l’élevage engendrera l’installation de buxaies sur les falaises et les pelouses.

Emergence du petit patrimoine bâti

L’utilisation agraire des terres a, par ailleurs, entraîné l’édification au fil des temps d’un petit patrimoine bâti utilitaire : murets de pierres sèches servant à protéger certaines terres de l’accès des troupeaux, cadoles servant d’abris, lavoirs, fontaines, bancs… Sans utilité aujourd’hui, ces éléments ont été longtemps négligés ou détruits avant de connaître un regain d’intérêt, reconnus en tant que signes identitaires forts ajoutant au pittoresque du site, affectionnés des populations locales auxquelles ils évoquent le passé. Les villages du Grand Site, typiques villages viticoles mâconnais enceints de leurs terroirs viticoles, leurs couleurs chaudes, le charme de leurs maisons à galerie et à tuiles romaines participent de l’esprit méridional des lieux, repères humains rassurants dans l’étendue des panoramas.

Le Grand Site est particulièrement riche en petits monuments bâtis aux 19e et 20e siècles : calvaires, pierres levées, lavoirs, cadoles et autres abris similaires, murs et murgets, abreuvoirs, clos…

On rencontre deux types de cadoles : constructions rondes en pierre sèche, percées d’une unique porte et revêtues d’un toit conique formant à l’intérieur une voûte en coupole constituée de laves progressivement empilées, chacune avançant légèrement sur la précédente. Celles-ci ont malheureusement disparu pour la plupart. D’autres sur un plan rectangulaire, sont aménagées dans l’épaisseur d’un mur : abris de bergers ou de vignerons et réserves à outils.

Aujourd’hui le Grand Site œuvre quotidiennement à la préservation du petit patrimoine vernaculaire, et participe à la restauration de nombre de ces éléments.

Les villages ont, quant à eux, et malgré quelques modernisations, bien conservé leur aspect traditionnel. Les maisons vigneronnes, assez bien restaurées dans l’ensemble, se répartissent autour de ruelles à forte pente.