Bâton percé aurignacien

Bâton percé de la Terre Piron. Dépôt de la Ville de Mâcon, collections du Musée des Ursulines. ©Département de Saône-et-Loire, Musée de préhistoire de Solutré. Fig.1 et 2

D’où vient-il ?

Ce bâton percé (Fig. 1 et 2) fut découvert lors des fouilles d’Adrien Arcelin et de l’abbé Antoine Ducrost autour de 1873, dans la « Terre Piron », au Sud du Crot du Charnier (Fig. 3), où ces chercheurs mirent au jour des foyers jugés « anciens » qu’ils attribuèrent à « l’âge du cheval ». Contrairement aux foyers de « l’âge du renne » qui avait permis de définir une époque de Solutré (autrement dit le Solutréen),  ces ensembles archéologiques étaient dépourvus de feuilles de laurier et les ossements de chevaux y prédominaient. De plus, ils étaient situés en-dessous de la couche de magma de cheval* et correspondaient donc à des occupations plus anciennes du site. Intégré dans la collection Adrien Arcelin du Musée des Ursulines de Mâcon, ce bâton percé fut déposé au Musée de préhistoire de Solutré à sa création (1987) et fait depuis partie des collections permanentes du musée.

* Le magma de cheval est une couche épaisse de 0,5 m à 2 m, formée quasi-exclusivement de restes de chevaux agglomérés pris en brèche. Elle a donné plusieurs dates cohérentes entre 23 000 et 28 000 ans avant le présent (dates non calibrées, obtenues par différentes méthodes). Elle couvre une surface d’environ un hectare. Ce niveau correspond à la période gravettienne durant laquelle, des chasses spécialisées au cheval furent répétées sur de longues périodes.

Plan manuscrit des fouilles connues par Adrien Arcelin jusqu’en 1895. Archives personnelles Jean Combier, fonds Henri Breuil. Fig.3
Dessin d’Adrien Arcelin dans le T. 1 de la Revue L’Anthropologie (Arcelin, 1890). Fig.3

Que nous apprend-il ?

Cet objet en bois de cervidé mesure 11,8 cm pour 5 cm d’épaisseur. Il présente une perforation de 2 cm diamètre dont le rebord est souligné par des incisions rayonnantes en spirale. Ce décor mystérieux interroge par le soin porté à sa réalisation. Le bâton entier est dessiné en 1890 par Adrien Arcelin (Fig. 4) dans son rapport des  fouilles menées depuis plus de 15 ans avec l’abbé Ducrost, éminent géologue et curé de Solutré (Arcelin, 1890). Il est sobrement désigné « instrument en os ». D’autres bâtons fracturés, au décor identique et provenant des mêmes foyers anciens figurent dans les collections de l’abbé Ducrost, données au Muséum d’histoire naturelle de Lyon (Fig. 4). Des sites aurignaciens du Jura souabe en Allemagne (Vogelherd et Hölhe Fels, Bade-Wurtemberg) et du Périgord (abri du Poisson, abri Blanchard) ont livré d’autres objets portant encore ce même décor incisé, qui correspond à une symbolique ou usage technique répandus dans diverses régions aurignaciennes.

Autre bâton percé portant un décor d’incisions autour de la perforation du trou. Il provient des niveaux aurignaciens de Solutré, appelés par les fouilleurs « foyers de l’âge du cheval ». Collections A. Ducrost, dépôt du Musée des Confluences, Lyon. ©Département de Saône-et-Loire, Musée de préhistoire de Solutré. Fig.4

A quoi sert-il ?

Le terme bâton percé rassemble une multitude d’objets presque toujours en bois de renne, percés d’un trou, le plus souvent unique et fracturé pour les trois quart des pièces connues. La perforation est souvent placée à la connexion de la perche et d’un andouiller. Ces objets  varient par leurs dimensions, le diamètre d’ouverture et l’angle des perforations. Cette diversité suggère des fonctions variées. Ils sont souvent décorés, mais l’analyse du décor ne fournit guère d’indice sur leur fonction. Pas moins de 35 hypothèses interprétatives ont été listées. D’abord appelés « bâtons de commandement », ces objets furent initialement considérés comme les attributs de pouvoir des chefs préhistoriques. Au fil des décennies, d’autres propositions ont tenté de percer le secret de leur usage : piquet de tente, fronde à oiseau, éléments de poulie, bloqueur de câble, tresseur de cordage, maintien de forêt pour faire du feu par friction, redresseur de pointes de sagaie à chaud, propulseur… Aucune théorie ne correspond à l’ensemble des traces d’usure et des cassures observées sur les pièces. Il est probable que la catégorie « bâton percé » corresponde à des fonctions aussi variés que les hypothèses des archéologues. Il y a donc probablement plusieurs à cette question.