Construire durable

La présence d’un patrimoine de pierre sèche abondant vient du travail de la vigne, absolument indissociable du site. L’entretien rigoureux des sols, pour la culture de la vigne, mène à la construction de murs en pierre sèche servant à la fois de limites parcellaires, de protection des ceps contre les vents et de gestion de l’écoulement des eaux. Ils abritent une biodiversité fragile et essentielle pour le site. Néanmoins, leur état sanitaire s’avère parfois défaillant, voire inquiétant.

élément identitaire du Grand Site

Le paysage solutréen présente une géologie remarquable, visible dans les particularités des moellons de pierre utilisés pour façonner les villages et délimiter les parcelles de vignes. Il est un haut lieu du témoignage des activités humaines dès la Préhistoire. De tout temps, les Hommes ont dû transformer leur territoire pour le conquérir et l’apprivoiser. Les ouvrages de pierre sèche sont autant de témoins de cette occupation humaine modifiant le paysage pour le rendre habitable.

Ces murs sont le fruit de l’épierrage laborieux des parcelles pour les rendre cultivables. Ils ont pour fonction première de lutter contre l’érosion des sols et de maintenir les terres et les chemins. Les pierres de ces murs proviennent des sols des parcelles et sont disposées au fur et à mesure le long des limites de propriétés. Ils contribuent à l’organisation des cultures, en délimitant les parcelles, et à leur protection face aux vents et aux eaux de ruissellement. Ils fondent la structure d’un agro-système complexe et propre à la viticulture bourguignonne. Ces murs offrent un support à une biodiversité complémentaire à la vigne tout en formant des corridors écologiques en faveur de la vie et de la circulation des espèces. Au fil des siècles, les vignerons ont donc modifié le paysage solutréen avec une certaine grâce ordonnée et harmonieuse.

De quoi parle-t-on ?

La construction en pierre sèche était avant tout une technique de construction modeste. Un ouvrage de pierre sèche est un assemblage de pierres calées les unes par rapport aux autres de façon à créer un ouvrage solide sans avoir recours à un mortier liant. La chaux nécessaire aux liants a un coût et nécessite du transport tandis que la pierre se trouve partout. Ce type de maçonnerie est typiquement rural.

Cette technique constructive est réversible et a un impact moindre sur la nature puisqu’il est possible de disperser ou réemployer les pierres pour un autre ouvrage. L’utilisation d’une pierre locale, et le besoin quasi-nul d’engins, d’outils et de matériels électriques, de produits chimiques et polluants, font de la pierre sèche une technique écologique. Ces constructions traditionnelles s’insèrent totalement dans leurs environnements sans les déstabiliser. Elles sont une simple excroissance du milieu naturel en accueillant tout un biotope en son cœur.

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Une reconnaissance internationale

Les savoir-faire et techniques de construction en pierre sèche ont été inscrits sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, le 28 novembre 2018, marquant l’aboutissement de plusieurs années d’efforts conjoints entre huit pays (Chypre, Croatie, France, Grèce, Italie, Slovénie et Suisse).
Cette inscription est une marque de reconnaissance  d’une technique « représentative d’une relation harmonieuse entre les êtres humains et la nature »,qui a « façonné des paysages multiples et fort variés, permettant le développement de différents types d’habitats, d’agriculture et d’élevage » et joue « un rôle essentiel pour empêcher les glissements de terrain, inondations et avalanches, lutter contre l’érosion et la désertification des terres, améliorer la biodiversité et créer des conditions microclimatiques adéquates pour l’agriculture».

Ces structures témoignent des méthodes et pratiques utilisées par les populations, de la préhistoire à l’époque moderne, pour organiser leurs espaces de vie et de travail en optimisant les ressources naturelles locales et humaines. Les détenteurs et praticiens sont les communautés rurales, au sein desquelles l’élément est profondément enraciné, et les professionnels du secteur de la construction.
Le Comité a accueilli avec satisfaction l’initiative des États candidats souhaitant présenter une technique largement répandue qui respecte totalement les conditions locales. Il a souligné les significations et fonctions culturelles communes de l’élément dans tous les pays soumissionnaires. Le Comité a félicité les États candidats d’avoir soumis un dossier exemplaire élaboré avec le plus grand soin, traduisant l’esprit de la Convention au niveau de la coopération internationale.

pilier du développement durable

La pierre sèche est la technique constructive répondant aux ambitions d’un projet de territoire durable et raisonné. Elle est la plus adaptée à ce paysage viticole et constitue un véritable levier pour le développement économique des lieux, autour de valeurs partagées. L’évolution de la filière tient à la prise de position et à l’ambition de la puissance publique en faveur de la technique et du projet de territoire. Le patrimoine vernaculaire tisse ici un lien entre les âges et les compétences, proposant aux générations futures de véritables racines.

La pierre sèche contribue à la politique de développement durable du Grand Site en s’appuyant sur trois piliers. Socialement, elle concourt à développer un lien positif avec les habitants, notamment les viticulteurs. Elle offre aux visiteurs un site vivant au patrimoine entretenu et permet la mise en œuvre d’actions d’insertion professionnelle.

Du point de vue environnemental, la restauration des murs en pierre sèche participe à la biodiversité et à l’agroécologie.

Économiquement, la valorisation de la pierre sèche renforce l’offre touristique par sa dimension patrimoniale. Elle pourrait être l’objet d’un programme d’aides financières dans les prochaines années. Il viserait le soutien aux projets de restauration, notamment de murs privés. Les moyens financiers ainsi investis sur le territoire permettraient le développement d’une filière pierre sèche.

Par ailleurs, depuis que l’appellation Pouilly-Fuissé a obtenu, en 2020, le classement Premier cru pour une partie de son vignoble, le Grand Site est sollicité par de nombreux viticulteurs souhaitant refaire leurs murs. Ces ouvrages de pierre sèche procurent une forte valeur identitaire au vin, principale ressource économique de ce territoire.
La pierre sèche est donc au cœur d’un cercle vertueux que le Grand Site de France Solutré Pouilly Vergisson entretient et développe.