Une brève histoire du temps

Le gisement de Solutré contient dans ses couches archéologiques toute la séquence des principales périodes de la fin du Paléolithique. Les occupations humaines les plus anciennes remontent au moins à 55 000 ans avant le présent, à la fin du Paléolithique moyen, avec les derniers chasseurs néandertaliens. Elles recouvrent tout le Paléolithique récent et les différentes évolutions culturelles des groupes de chasseurs-cueilleurs nomades qui vinrent exploiter les troupeaux de grands mammifères au pied de la Roche de Solutré.

Les premiers outils connus proviennent du site de Lomekwi 3, au bord du lac Turkana au Kenya. Datés de 3,39 millions d’année, ils sont antérieurs de 500 000 ans aux premiers représentants du genre Homo ! Ils sont attribués à Kenyanthropus platyops ou Australopithecus afarensis, deux espèces d’hominidés contemporaines qui peuplaient cette région d’Afrique de l’Est, apparentées au genre Homo.

    • Oldowayen: anciennement appelé Peeble culture (culture du galet), cette première modalité de taille des outils de pierre est rencontrée entre 2,6 et 1,7 millions d’années, avec une production d’outils simples sur éclats débités sur des roches dures, souvent d’origine volcanique (mode I).

    • Site éponyme : Gorges d’Olduvaï, au nord-ouest de la Tanzanie. Plusieurs sols d’occupation y ont été émis au jour avec une production de galets taillés (chopperchopping-tool) et d’éclats non retouchés. Des fossiles de Paranthropus bosei et d’Homo habilis sont associés aux outils et à des restes de faune.

     

  • Acheuléen: Entre 1,76 MA  et 200 000 ans avant le présent.

    Site éponyme : Saint-Acheul, dans la Somme, du nom d’un quartier d’Amiens où Gabriel de Mortillet découvre, en 1828, des outils qu’il juge très anciens. L’Acheuléen apparaît sur le continent africain puis se diffuse, ou est réinventé, en Europe et en Asie au gré des migrations d’Homo ergaster hors d’Afrique. Les plus anciens bifaces sont produits en Afrique vers 1,76 million d’années. Ils apparaissent en Europe autour de 700 000 ,ans. Les plus anciennes traces d’habitat datent d’environ 1,8 million d’années, dans la région d’Olduvaï où sont découverts cercle de pierres et concentration d’outillage.

    Outil emblématique de cette culture, le biface est massif et façonné par des enlèvements sur les deux faces, le dotant de deux plans de symétrie.

    Les plus anciennes traces de feu datent de plus de 1,4 million d’années en Afrique. En France, elles remontent à 560 000 ans, comme en atteste le site de Tautavel. On ignore si ces premiers feux ont été produits ou entretenus à partir d’incendies naturels.

Le Paléolithique moyen est marqué par de nouveaux modes de production des outils, à partir d’éclats de formes plus ou moins prédéterminées. L’Homme de Néandertal émerge en Europe vers 400 000 ans. Au Proche-Orient, autour de 100 000 ans avant le présent, des hommes anatomiquement modernes (Homo sapiens archaïques) fabriquent et utilisent les mêmes types d’outils. Sapiens et Néandertal y coexistent et partagent une même culture matérielle. Les premières inhumations intentionnelles en sépulture apparaissent autour de 120 000 ans avant le présent (Tabun, Israël).

  • Le Moustérien :

Site éponyme Le Moustier en Dordogne. 

Culture caractéristique de l’Homme de Néandertal en Europe, cette industrie a également été produite par des Homo sapiens en Afrique du Nord et au Moyen-Orient vers 100 000 ans avant le présent. Les outils du Moustérien sont composés de différentes variantes, dites faciès, qui ont en commun la recherche d’éclats aux bords tranchants, selon différentes modalités de débitage. Les gros éclats prédéterminés obtenus sont retouchés pour donner des racloirs, des denticulés, des coches ou des pointes.

Le Paléolithique supérieur débute aux alentours de 45 000 ans avant le présent. Cette période est caractérisée par l’expansion de l’Homme moderne (Homo sapiens) à travers le monde. Son développement accompagne la dernière grande phase glaciaire dans l’hémisphère nord (Würm).

Au cours de cette période, règne un climat glaciaire froid et sec, ponctué d’oscillations humides plus tempérées. De petits groupes familiaux élargis, pouvant atteindre jusqu’à une trentaine de personnes, vivent de chasse, de pêche et de cueillette.  Leurs circuits nomadiques annuels exploitent les ressources animales et végétales de leur territoire dans différents environnements au fil de l’année. Ils s’installent dans des campements provisoires ou semi-sédentaires aux différentes saisons, sous des tentes en plein air, ou profitent d’abris naturels (rochers, entrée de grotte).

En Europe de l’ouest, plusieurs phases culturelles sont marquées par des changements techniques et des innovations.

 

  • Le Châtelperronien : Entre 45 000 et 40 000 ans avant le présent.

Site éponyme : Châtelperron dans l’Allier, grotte des fées, découverte en 1850.

Le Châtelperronien est connu en France et en Espagne. Il marque la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. L’industrie lithique du Châtelperronien est caractérisée par l’apparition des premières lames, des premiers outils en os et premiers éléments de parure. Cette culture est attribuée aux derniers néandertaliens, mais ce point reste débattu.

 

  • L’Aurignacien : entre 41 000 et 33 000 ans avant le présent

Site éponyme : Aurignac en Haute Garonne.

L’Aurignacien coïncide avec l’arrivée d’Homo sapiens en Europe, son extension atteint également le Moyen Orient. L’Aurignacien se distingue par la production de support d’outils allongés (lames) et parfois miniaturisés (lamelles) permettant d’améliorer l’efficacité des armes de chasses. L’utilisation des matières dures animales (os, bois de cervidés, ivoire, dents) pour la fabrication d’outils domestiques et d’armes de chasse (pointes de sagaies à bases fendues) est une nouveauté. À travers la parure, le décor des objets, des figurations peintes ou sculptées, les Aurignaciens produisent les premièrs signes et symboles évidents. Ils suggèrent de nouvelles relations sociales et de nouvelles conceptions du monde. La domestication du chien apparaitrait à l’Aurignacien.

 

  • Le Gravettien : entre 33 000 et 26 000 ans avant le présent

Site éponyme : site de La Gravette en Dordogne.

L’industrie lithique gravettienne comprend, dans sa phase évoluée, des lames en silex très droites, utilisées pour réaliser des pointes de projectile, appelées « pointe de la Gravette », et de petits outils diversifiés et spécialisés tels que les burins de Noailles. 

De la Sibérie au Pyrénées, des représentations féminines stéréotypées en pierre, os ou ivoire, témoignent de traditions symboliques communes à tout l’ouest de l’Eurasie, autour de 30 000 ans avant le présent. Le climat est plus doux, marqué par une augmentation de l’humidité et des températures. À partir de 26 500 ans avant le présent, l’Europe connaît un refroidissement sévère qui atteint son maximum au cours du Solutréen.

 

  • Le Solutréen : entre 26 000 et 23 000 ans avant le présent

Site éponyme : Solutré en Saône-et-Loire.

Le Solutréen se développe dans le Sud-Ouest de l’Europe (France et péninsule ibérique) pendant l’épisode extrêmement froid et sec du dernier maximum glaciaire (vers 24 000 ans avant le présent). Les températures annuelles moyennes sont plus froides, de 10 à 15 °C, et le niveau marin se trouve 125 mètres plus bas que le niveau actuel.
Le Solutréen est marqué par un important développement des techniques de taille. Les pointes appelées « feuilles de laurier », d’une grande finesse, caractérisent ses phases moyenne et récente. L’outillage en os, bois de renne ou ivoire est moins présent. L’aiguille à chas et le propulseur apparaissent au Solutréen.

 

  • Badegoulien : entre 23 000 et 19 000 ans avant le présent

Site éponyme : Badegoule en Dordogne.

Autrefois nommé « Magdalénien ancien », le Badegoulien est attesté dans la zone franco-cantabrique et le sud du Bassin parisien, en Suisse, en Allemagne de même qu’en Autriche et en République Tchèque. Avec les améliorations climatiques, les sites en altitude et en plein air s’essaiment. Le bois de renne est débité par percussion. Dans l’outillage lithique, les raclettes retouchées sur leur pourtour et les pièces esquillées, non standardisées, se multiplient.

 

  • Le Magdalénien : Entre 19 000 et 14 000 ans avant le présent

Site éponyme : la Madeleine en Dordogne.

L’amélioration irrégulière du climat accompagne un essor démographique et la multiplication des sites dans l’ouest de l’Europe. L’outillage lithique comporte un grand nombre de burins, grattoirs, perçoirs, lames et lamelles. L’outillage en os et en bois de cervidé est très diversifié (bâtons percés, lissoirs, baguettes, spatules, propulseur harpons, pointes de sagaie…) et porte fréquemment un décor, abstrait ou figuré. L’art magdalénien, dans les grottes et abris, est particulièrement riche et varié, de même que l’art mobilier sur os, bois de cervidé, ivoire ou pierre. Les harpons magdaléniens, destinés à la chasse des grands mammifères et parfois à la pêche, apparaissent dans l’équipement de chasse.

En quelques siècles, le climat devient plus chaud et humide, les paysages changent, d’immenses forêts remplacent les steppes d’Europe. Les groupes réduisent le rayon de leurs déplacements saisonniers, profitant de ressources plus variées : la pêche, la collecte des mollusques, des baies, des fruits et la chasse des petits mammifères. Au sein de territoires plus restreints, les cultures se régionalisent. L’outillage en roches dures locales est miniaturisé, formé de segments géométriques de lames transformées en armatures de flèches et outils emmanchés. Dans les forêts primaires d’Europe, la chasse à l’arc se généralise. L’expression symbolique devient abstraite et géométrique tels qu’en témoignent des galets peints et gravés.

Les premières traces de culture de céréales et d’élevage appararaissent dès 9 500 avant le présent au Proche-Orient et se diffusent vers l’ouest de la Méditerranée. Des communautés paysannes sédentaires venus d’Anatolie colonisent l’Europe.
Le défrichage permet d’installer champs cultivés et pâtures. L’humanité devient le principal agent de modification des paysages, au lieu des causes naturelles. Des mammifères herbivores sont domestiqués (boeufs, moutons, chèvres, porcs), ainsi que des plantes céréalières sauvages (blé, orge, millet…) et des légumes secs (pois, pois chiches, fèves).

Le polissage de la pierre taillée rend les outils plus résistants et plus efficaces. L’outillage est renouvelé. Haches et herminettes en pierre polie permettent le défrichement des forêts, les faucilles et couteaux, le moissonnage des récoltes. Meules et molettes transforment les grains en farine. Les récipients et vaisselle en céramique cuisent et stockent les aliments. Un véritable artisanat s’organise : tissage, vannerie, sparterie, poterie, froissartage… Les productions se déplacent sur de grandes distances au sein de réseaux d’échange (lames de silex, types et décor des céramiques…).

Des maisons pérennes, en bois et torchis au nord, en pierre dans le sud, regroupées en villages, forment l’habitat. Les sociétés se hiérarchisent : des monuments funéraires (tumulus, dolmens) sont réalisés collectivement, parfois au bénéfice d’une élite privilégiée.

À la charnière entre la Préhistoire et l’Histoire, sont connues pour l’Europe à la fois de l’archéologie et des écrits historiques produits par d’autres cultures maîtrisant l’écriture : c’est la Protohistoire.

  • L’âge du Bronze
  • A partir de 2 200 avant notre ère, l’évolution des fours et des techniques de cuisson ouvre la voie à la métallurgie des alliages cuivreux et du bronze. De nouveaux objets apparaissent dans le quotidien. Haches, hameçons, faucilles, armes et parures sont désormais coulés dans le bronze et se multiplient. Les premières fibules, épingles servant à maintenir les vêtements, apparaissent au Bronze final.

La segmentation des étapes des chaînes de production et de diffusion (extraction minière, transport du minerai, transformation dans les forges, revente et diffusion des produits finis) et la mise en place de routes commerciales transforment en profondeur les sociétés. De nouveaux centres de pouvoir émergent grâce à l’accumulation de richesses. Une aristocratie princière voit le jour, accompagnée d’une caste de guerriers. L’agriculture et l’élevage forment encore l’essentiel du mode de vie. Les villages se fortifient (éperons barrés) et s’installent sur les hauteurs ou aux croisements des routes commerciales.
Les premiers artisans du bronze apportent avec eux la céramique campaniforme : vases en forme de cloche, au décor complexe gravé à la pointe ou au peigne, de quadrillage, chevron, triangle ou damier. Au début de l’âge du Bronze, la roue révolutionne les transports, les sépultures à incinérations se généralisent.

 

  • L’âge du Fer 

Autour de 800 avant notre ère, des peuples connaissant la métallurgie du fer se déplacent vers l’ouest et fusionnent avec les autochtones. Ils amènent avec eux le tour de potier et les animaux domestiques de la basse-cour. Au Vème siècle avant notre ère, l’aire géographique occupée par les celtes s’étend vers l’Angleterre, l’Espagne ou encore l’Italie. Les Gaulois, celtes de Gaule, comptent environ 70 peuples différents, unis par une langue commune.
Les textiles et le travail du cuir sont importants dans l’économie celte, tout comme la métallurgie du fer. Les gaulois sont réputés pour être des forgerons d’exception.
Le paysan celte est un technicien de la terre : il défriche et améliore les sols. Son outillage s’est nettement amélioré. Les socs des araires, les pioches, les houes, les faux sont en fer. LA majorité de l’outillage celte est identique à celui utilisé au XIXème siècle.
Les parures sont nombreuses et variées : torques, anneaux de cheville, bracelets ouverts ou fermés, fibules…Or, fer, bronze, ou schiste sont utilisés pour la fabrication des bijoux.
Les sépultures livrent de nombreux anneaux, chainettes ou grelots.
La guerre a une grande importance et les armes sont soignées. L’épée est longue, plate et au bout arrondi. Les boucliers en matière périssable sont recouverts de cuir. Le casque est peu employé sauf pour l’apparat et le prestige. Les tombes à char sont caractéristiques de cette époque, pour l’élite aisée.

Des citées fortifiées sur des hauteurs voient le jour : les oppida (Bibracte est un oppidum, par exemple).

L’âge du Fer se termine avec la conquête de la Gaule par les Romains. La célèbre bataille d’Alésia, en 52 avant notre ère, et la défaite de Vercingétorix mettent un terme à la Préhistoire, Romains et Gallo-Romains utilisant désormais l’écriture.

©Honoré Hugrel

Pour plus d’informations sur la chronologie des temps préhistoriques

Une histoire du temps